Business, soutien scolaire, cuisine, animaux, emploi, loisirs, bricolage, décoration... Le site Skilltroc propose de troquer ses compétences contre d'autres. Si l'idée du troc en ligne n'est pas nouvelle, celle de pouvoir partager et échanger des savoirs-faire gratuitement en s'adressant à la fois aux particuliers et aux professionnels est par contre innovante. Elle serait même dans l'air du temps. Une étude montre en effet que 60 % des européens auraient envie de partager leurs compétences et partageraient également les valeurs propres à l'économie collaborative.
« En ce qui concerne le troc d'objets, il y a déjà beaucoup de solutions qui existent, alors que pour tout ce qui touche à la connaissance, il n'y avait rien de proposé avant Skilltroc. De mon point de vue, il s'agit d'un besoin universel » explique Laura, l'associée de Pascale.
C'est en 2015 alors qu'elle est en congé parental que Pascale réfléchit à son envie entrepreneuriale. A l'époque, les premières plateformes collaboratives commencent à émerger, elle a alors un gros coup de cœur pour cette économie qu'elle considère comme très proche de ses valeurs humanistes. Au sein de son foyer, l'échange de services est quelque chose qui se pratique fréquemment et depuis longtemps. Il n'est pas rare que son conjoint intervienne en tant que réparateur auprès de ses voisins en échange d'autres petits services. Cette idée de participer à une économie solidaire basée sur le partage et la collaboration amène alors tout naturellement Pascale à vouloir proposer ce système à plus grande échelle.
Après plusieurs mois de réflexion et de travail, Skilltroc de l'anglais skill (échange en anglais) fait son apparition sur la toile. Cette naissance est le résultat d'un long travail de collaboration avec Laura, une freelance en communication digitale. «Au début, raconte Laura, je formais Pascale en lui donnant un coup de main quasi-quotidien au vu de l'importance du travail qu'il y avait à faire pour donner naissance à Skilltroc. On a travaillé ensemble pendant un an. Au fil du temps, je me suis prise au jeu des valeurs défendues par Skilltroc et j'ai finalement décidé de m'associer avec Pascale pour développer le projet ».
Ce qui a plu à Laura dans le concept développé par le site, c'est le fait de pouvoir créer des liens sociaux plus vrais et plus forts entre les gens. C'est d'ailleurs une expérience qu'elle a elle-même vécu lorsqu'elle était expatriée en Finlande qui l'a convaincue de l'intérêt de partager et d'échanger ses compétences.«Quand je suis arrivée dans ce pays, c'était difficile pour moi de communiquer et c'est via le partage de savoirs que j'ai pu davantage m'intégrer. Avec d'autres personnes, on se réunissait et on faisait du tricot, de la couture, des pâtes fraîches. Tout le monde était à l'aise, c'était très participatif. On partageait tous les mêmes valeurs communes d'entraide. Aujourd'hui, on ose plus tellement demander de coup de main aux uns et aux autres, on a l'impression qu'on peut tout apprendre sur internet, ce qui n'est pas forcément vrai. Sur le web, l'apprentissage se fait de façon descendante, les échanges ne sont ni performants, ni personnalisés et pas toujours adaptés, ça manque d'humanité en comblant un besoin d'instantanéité 24h sur 24h. Pourquoi ne pas retrouver le bon sens et aller frapper à la porte de notre voisin ?» explique Laura.
Echanger ses compétences gratuitement
Comme Pascale, elle a vraiment souhaité donner une dimension très solidaire au projet. «Dans l'échange de compétences, il y a une véritable démocratisation de l'accès aux savoirs. Les trocs se font avec des étoiles et pas avec des euros ». Mais attention, gratuit, ne veut pas dire pour autant que les ateliers proposés sont de moins bonne qualité. «Les personnes qui proposent des ateliers sont très exigeantes, elles n'improvisent pas. De manière générale, elles ont préparé leur animation en amont et ont beaucoup potassé le sujet de leur atelier. C'est pas parce qu'on a pas un bac + 47 et un diplôme certifiant une compétence qu'on ne peut pas légitimement proposer un atelier. On a tous en nous une somme de compétences qu'on peut partager. Souvent les compétences mises en avant en premier sont celles liées au professionnel, on oublie trop souvent toutes les compétences du quotidien comme apprendre à faire un nœud de cravate ou du vélo par exemple. Aujourd'hui, on a désappris que la gratuité pouvait avoir de la valeur, il est important de rééduquer les gens dans ce sens » précise Laura avant d'ajouter « l'avantage aussi de la gratuité, c'est qu'elle permet aux troqueurs de ne pas faire de projections très hautes par rapport aux attentes. On est dans la pure bienveillance. Quand on paye entre 22 et 25 euros l'heure de cours, on est beaucoup plus exigeant dans ce qui nous est proposé ».
Déjà plus de 1000 inscrits sur la plateforme
« On touche particulièrement les personnes engagées dans l'économie positive et alternative qui ont fait le choix de remettre en cause leur façon de consommer et de privilégier un mieux-vivre » explique Laura. Parmi tous ces troqueurs, 150 ont déjà participé à un atelier parmi la centaine de propositions référencées sur le site. « 20% des troqueurs inscrits sont vraiment engagés. Sur 5 personnes qui suivent un atelier, une, voire deux, organise un atelier après ».
Parmi les adeptes de Skilltroc, 80% sont des femmes et se situent plutôt dans une tranche d'âge de 25 à 45 ans. « On sentait que les femmes étaient plus prêtes à entrer dans l'échange de savoirs, elles sont naturellement plus dans la communication informelle et le partage d'astuces » précise Laura.
Pour ce qui est des activités proposées dans les ateliers, le choix est très varié et éclectique. En s'inscrivant sur Skilltroc on peut s'initier à la reliure, bénéficier de conseil pour créer son entreprise, apprendre à fabriquer ses cosmétiques naturels, découvrir la pétanque finlandaise ou encore se perfectionner dans la connaissance et l'utilisation des réseaux sociaux... Il y en a pour tous les goûts ! Chacun peut donc trouver de quoi satisfaire ses envies.
Pour Laura et Pascale, l'avenir devrait s'écrire avec les grandes entreprises. « On souhaite favoriser l'implantation de Skilltroc au sein de sociétés qui ont le désir de développer le bien être au travail en contribuant à créer du lien qui passe par le partage ». Des valeurs qui ont de plus en plus le vent en poupe et auxquelles sont fortement attachées Pascale et Laura.
Corine Carré
Crédit photos : skilltroc
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